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SERGEI CHEPIK

Interview


Sergei Chepik

Cet entretien, réalisé en septembre 2000, s'inspire à la fois du questionnaire de Marcel Proust et de celui de Bernard Pivot.
Les réponses de Chepik ont été traduites du russe en français par Marie-Aude ALBERT

Le trait principal de ton caractère ?

Franchement, je n'en sais rien... (pause)... Sans doute une passion obsessionnelle de l'art... Le monde peut bien s'effondrer autour de moi, je continuerai à dessiner.

Ton principal défaut ?

La bonté sûrement, qui contrecarre justement ma passion obsessionnelle de l'art. Alors que je devrais envoyer tout le monde au diable pour me consacrer uniquement à mon travail...

Ta qualité morale préférée en général ?

La passion pour le métier qu'on a choisi et qu'on exerce.

Où aimerais-tu vivre ?

A Paris comme aujourd'hui ! Ou dans mon enfance, mais on ne peut pas, hélas, acheter de billet pour retourner dans son enfance...

Tes poètes et prosateurs préférés ?

Pouchkine bien sûr, mais aussi Tolstoï, Dostoïevski, Gogol et Boulgakov que je ne cesse de relire.

Tes compositeurs préférés ?

Rachmaninov... Mozart bien sûr. Mozart en premier, et ensuite dans l'ordre Bach, Rachmaninov, Moussorgski. Quand je suis sur le point de terminer un tableau, je mets toujours le même morceau de Rachmaninov. Je travaille alors avec calme et confiance..

Tes peintres préférés ?

Question idiote. J'en aime tant ! Bon, si je fais un tiercé, alors je place dans l'ordre Michel-Ange, Rembrandt, Velasquez. Le premier entre tous, c'est Michel-Ange, le divin Michel-Ange !

Ta couleur préférée ?

Quelle question !!! On ne doit pas parler de couleurs mais de combinaisons de couleurs.

Ta fleur préférée ?

Le tournesol et aussi le bleuet que l'on voit moins et que j'aime beaucoup.

Tes livres préférés ?

Guerre et Paix. Je le relis en entier tous les trois ans. Et bien sûr Le Maître et Marguerite qui m’est très proche et qui est inépuisable, et aussi tout Gogol, Les Ames Mortes comme les petits récits. Et puis Pouchkine qui a posé toutes les questions qui nous tourmentent nous, pas lui forcément, mais nous, oui.

Tes héros préférés réels et de fiction ?

Sans doute Pierre Bezoukhov, le héros de Guerre et Paix. Et pour les héros réels...

Tes héroïnes préférées réelles et de fiction ?

Pour les réelles Kiki de Montparnasse bien que je ne sache rien sur elle, mais elle a inspiré tant d'artistes ! Et puis Dina Vierny, la Duchesse d'Albe, bref des femmes qui ont inspiré des créateurs, et bien sûr la dernière épouse de Mikhail Boulgakov, une femme énigmatique pour moi. Et ma tante Liola, au fait, qui a toute sa vie porté sa croix en supportant son mari, un artiste-peintre original mais insupportable. Et pour les héroïnes littéraires, Natacha Rostova de Guerre et Paix bien sûr !

Ta devise ?

Quand j'étais petit, j'en avais inventé une : " Pour aller de l'avant, il ne faut pas avoir peur de l'obscurité ". Au fond, elle est toujours bonne.

Quel son ou bruit préfères-tu ?

Le son des cloches. Celles qui appellent à la messe au Sacré-Coeur de Montmartre, et plus encore, comme je suis orthodoxe, les carillons des églises russes.

Quel son ou bruit détestes-tu ?

Quand quelqu'un pleure. Ou le bruit du métal sur du verre.

Quelle profession aurais-tu souhaité exercer ?

Je ne peux pas m'imaginer autre qu'artiste-peintre.

Quelle profession n'aurais-tu pas voulu exercer ?

Président de la République Française. Et en règle générale homme politique. Parce que la politique est une non-activité. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il n'y a pas plus de suicides parmi les hommes politiques... Ah, oui, j'oubliais l'argent ! C'est ce qui leur permet de tenir le coup...

Si tu te réincarnais, quel animal ou plante choisirais-tu ?

En chien, ou plutôt en ours avec un chien pour copain.

Que voudrais-tu que Dieu te dise quand tu te présenteras à lui ?

Je ne répondrai pas à cette question, elle est blasphématoire.

Ecoutes-tu de la musique quand tu peins ? Si oui, le choix est-il important ? Choisis-tu la musique en fonction de l’atmosphère de la toile sur laquelle tu travailles ou cela n'a-t-il pas d'importance ?

Tout se passe par intuition. Je choisis la musique en fonction de mon humeur du moment. Mais parfois, il est vrai, j'ai envie d'une musique qui corresponde à l'atmosphère du tableau que je peins. Par exemple, je viens de peindre une toile sur Venise en écoutant Vivaldi. En fait, tu n'écoutes pas de musique quand tu penses à ton tableau... Quand je réfléchis à une oeuvre nouvelle, alors je le fais dans un silence complet. La conception et l'exécution d'une oeuvre sont deux choses différentes. La conception est chez moi un travail plutôt nocturne, solitaire et silencieux. Par contre dans l'exécution, la musique est bénéfique.

Quels peintres admires-tu dans la peinture contemporaine ?

Du XXe siècle ou d'aujourd'hui ? Il faut savoir de quoi on parle. Il y a eu, il n'y a pas si longtemps, une grande exposition de sculpture contemporaine sur les Champs Elysées. Et bien qu'on ait accordé à Rodin une place ridicule à côté des petits marquis de la modernité, son Balzac écrasait tous les " pouces " de César et autres imbécillités prétentieuses et moches. Rodin était en fait le plus contemporain des contemporains, le plus novateur par la conception et la réalisation. C'est comme Pouchkine : il a écrit au début du XIXe siècle, et quand on le lit, on a l'impression que c'est d'aujourd'hui. En fait, je ne m'intéresse pas à mes collègues d'aujourd'hui. Ils ne m'enthousiasment pas du tout, et je ne les enthousiasme pas du tout non plus.

Que penses-tu des possibilités de l'abstraction en peinture ?

L'abstraction a commencé et fini avec deux peintres. Le premier était très talentueux, le second était un opportuniste malin. Le premier était Kandinski, le second Malevitch. Kandinski a précédé Malevitch dans la découverte de l'abstraction. Kandinski y est venu par son immense talent, Malevitch par son manque total de talent. Avec ces deux-là tout a été dit en matière d'abstraction. Mais, tous nous faisons de l'abstraction, que nous le voulions ou pas, quand nous composons.

A une époque tu mettais beaucoup de texte dans tes toiles. Maintenant beaucoup moins. Estimes-tu que tes oeuvres parlent d'elles mêmes, ou bien y a–t-il une autre raison ?

C'est très simple. Autrefois j'aimais ce procédé, mais je ne regardais pas le texte comme un texte : c'était une ligne graphique, une partie de la composition générale. Aujourd'hui je n'éprouve plus le besoin de recourir à ce procédé. Mais il est possible que j'y revienne dans le futur... Dans l'évolution d'un artiste, des choses disparaissent, des choses apparaissent, voilà tout !

Bonne transition... Comment perçois-tu ta propre évolution en tant que peintre ?

Personnellement, d'une manière positive. Objectivement, ce n'est pas à moi de décider si j'évolue en bien ou en mal : la postérité le dira, si je reste bien sûr dans l'histoire de l'art. Le temps est seul juge. On estimera peut-être que j'aurais mieux fait de me tirer une balle à 35 ans, car j'avais déjà tout dit à cet âge. Ainsi certains critiques estiment que Picasso n'a rien fait d'intéressant après la période rose... Ce qui reste à voir... D'autres critiques considèrent que les dernières toiles du Titien sont indignes de son talent, moi je les trouve bouleversantes de génie : Titien y dépasse la peinture de son temps. Bref, à différentes périodes de sa vie, un peintre se donne de nouvelles tâches, se lance de nouveaux défis, il faut en tenir compte pour porter un jugement sur son évolution. Et si un peintre ne se remet pas ainsi en question, c'est un idiot ou un médiocre. Les tâches qu'il se propose évoluent avec le temps, et sa vision du monde avec elles. Un homme ne peut pas penser à 30 ans comme à 18, et un vieil homme n'a pas la vision du monde d'un homme de 30 ans. L'homme évolue, et l'artiste lui aussi, dans sa réflexion artistique, évolue. J'estime quant à moi que je me développe en bien, que ma peinture se fait plus intéressante.